top of page
Paroles/Poésies
Un livre de rue
Jusqu'au silence
Les premiers pas
Eo (Ego)
Une forêt bien jolie
La répétition
Dogon au Pays de Buch
Souk des mots
Festival des bateaux
Sans avoir eu sa place
Le cirque des possibles (si)
Hymne du Bassin d'Arcachon

Un livre de rue

Je m'étais approché d’un placard

Un minuscule petit placard de rue

Grand comme une boîte, tout au plus,

Avec écrit dessus: « Amis des arts ».


Perché sur un mât raide et droit,

Il possédait deux portes de bois

Et de verre pour laisser de la lumière.

Je l'ai regardé et, bien entendu, ouvert.


Alignés, empilés, serrés, désordonnés,

Il y avait là trente ou quarante livres,

De tous âges, enfants, veufs, mariés.

Un célibataire qui semblait être ivre. 


Il me faisait de l’œil, me souriait, 

Pavaner son dos blanc tout nu

Tatoué de lettres bleues et de « J’ai lu »

Dans un ovale rouge. Je l’ai attrapé.


Je l’ai pesé, tourné, retourné, contemplé

De tous les côtés, ouvert, fermé, feuilleté

Les pages, soulevé la couverture, il était

Écrit Odile R. au crayon à papier.


Le O était bien rond, le d attaché au i

Le l au e et le nom en lettres capitales.

Le tout souligné d’un trait court, vif,

Remonté sur les côtés, un sourire fatal.


Subitement, je devins un animal fou.

Je reniflais l’objet, il sentait l’abricot.

Je le caressais, il était encore chaud. 

On venait de le déposer. Qui? où?


Je cherchais la dame dans tous les sens

À droite à gauche, devant, derrière,

En l’air, c’était peut-être un ange,

Par terre, elle aurait pu être un ver.


Je perdais la tête, m’assis sur un banc,

Lus le début, ça parlait d’Isis et d’Osiris.

Je tournais les pages, cherchais un indice,

Une adresse, je voulais devenir amant.


La lune se levait, le soleil était parti,

J’ai frappé aux portes, sonné aux tours,

J’ai hurlé « Odile » et son nom toute la nuit

Comme un loup perdu, assoiffé d’amour.


J’ai traîné avec mon livre jusqu’au matin,

Buvant chaque mot, dévorant chaque lettre.

Je n'étais qu’un chien, il était mon maître,

Et je regrettais d’avoir pris ce bouquin.


Je décidais, pâle, fatigué, de le reposer

Dans sa maisonnette perchée pas bien haut.

J'étais une victime, il était mon bourreau

C’était un livre de rue, un livre de psycho*.


*Victime des autres, bourreau de soi-même de Guy Corneau


bottom of page