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Le livre des attentes

Vous avez tous contracté dans votre vie la maladie la plus douce et la plus redoutable à la fois, la plus sereine et la plus orageuse, l’attente. C’est un virus que vous soignez par des étirements, par un café de distributeur, en discutant, en attrapant un livre ou votre téléphone mobile, mais elle continue sans cesse à augmenter votre fièvre. Vous rougissez, vous ne tenez plus en place, et, soudain, c’est votre tour dans la file, telle ou telle personnes arrive, le match commence. Le virus est finalement vaincu et vous n'êtes que convalescent. Quand reviendra-t-il dans vos veines pour rallumer le feu qui consume le temps ? 

Je suis, comme vous, fréquemment atteint d’attente. Je lis un livre que j’ai apporté ou un magazine qui traîne sur une table ou une brochure publicitaire, je consulte des actualités sur mon téléphone portable, je joue, toujours sur mon smartphone, et, quelques fois j’écoute, j’observe et je note. L’attente devient alors un petit animal de compagnie, tout jeune, tout mignon. J’aimerais qu’il reste auprès de moi plus longuement, que je puisse l'apprivoiser, qu’il me laisse plus de temps de finir d’écrire, de relire et de corriger. Misère, je dois refermer mon calepin.

Vous découvrirez dans ce recueil les petites attentes que j'ai scribouillées en toute hâte, des petites esquisses.

Une rue. Cadix 22/02/24. 12h37.

Évanescent dans le torrent des gens et des langues.
La croix de la pharmacie clignote, rythme aléatoire des LEDs. Les roulettes d'une valise cliquettent sur les pavés.

Entre Séville et Mérida 23/02. 14h27.

L'aménagement routier est souligné de bordures alternativement rouges et blanches. Un Daniel Buren involontaire devant les pissotières.

Devant mon bureau, mercredi 13 mars 2024. 07:56.

J’écris l’heure comme je la vois.

Impossible de formuler une phrase correcte. Hier, j’avais à portée des doigts un verger immense de mots, je les cueillais avec gourmandise et les alignais dans des cagettes de paragraphes, c’était bon. Suis-je rassasié jusqu’à la fin de la semaine? Le roman de Rupert doit avancer, j’exige de moi qu’il soit terminé fin mars, ce sera peut-être une nouvelle.

Dans quatre jours, c’est l’anniversaire de ma sœur. Si je ne mets pas une sonnerie sur mon téléphone, je vais encore oublier.

Je dois aller à la mairie récupérer les clefs de la salle pour le loto. L’organisation de l’événement me stresse, trop de choses encore à faire.

J’ai aussi les affiches à finir pour le concert de Mozart. Je ne sais plus si le rendez-vous du médecin est à midi aujourd'hui ou demain. Après tant de pluie, il fait beau, j’aimerais aller marcher, je dois tondre la pelouse, l’herbe a toujours tendance à pousser quand je n’ai pas le temps de la ratiboiser. Je me frotte le visage et je sens les picots de la barbe, je dois me raser. Je dois nourrir le chien. Le sèche-linge est plein et sonne l’alerte de sa fin de cycle.

Le soleil chauffe déjà la pièce.

Pas de chapitre.

Ce recueil est accessible dans son intégralité et sera mis à jour régulièrement. 

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