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Le livre des attentes

Vous avez tous contracté dans votre vie la maladie la plus douce et la plus redoutable à la fois, la plus sereine et la plus orageuse, l’attente. C’est un virus que vous soignez par des étirements, par un café de distributeur, en discutant, en attrapant un livre ou votre téléphone mobile, mais elle continue sans cesse à augmenter votre fièvre. Vous rougissez, vous ne tenez plus en place, et, soudain, c’est votre tour dans la file, telle ou telle personnes arrive, le match commence. Le virus est finalement vaincu et vous n'êtes que convalescent. Quand reviendra-t-il dans vos veines pour rallumer le feu qui consume le temps ? 

Je suis, comme vous, fréquemment atteint d’attente. Je lis un livre que j’ai apporté ou un magazine qui traîne sur une table ou une brochure publicitaire, je consulte des actualités sur mon téléphone portable, je joue, toujours sur mon smartphone, et, quelques fois j’écoute, j’observe et je note. L’attente devient alors un petit animal de compagnie, tout jeune, tout mignon. J’aimerais qu’il reste auprès de moi plus longuement, que je puisse l'apprivoiser, qu’il me laisse plus de temps de finir d’écrire, de relire et de corriger. Misère, je dois refermer mon calepin.

Vous découvrirez dans ce recueil les petites attentes que j'ai scribouillées en toute hâte, des petites esquisses.

3 novembre. En ville.

J’avais écrit quelque chose sur un pigeon, sur une feuille volante qui s’est envolée.

12 nov. salle d’attente du médecin traitant.

L'écran accroche mon regard, les teintes sont lumineuses et les rides hydratées, je me dépêche d'écrire, mais c'est déjà au tour de Cryolipolyse. Une femme blonde, gros plan sur la barbe, c'est documenté “naturel”. Écran noir. Chaque fois que je lève la tête, une femme se couche. Les résultats. “Images non retouchées”. Je n'ai pas le temps de suivre, les spots publicitaires sont trop courts, le rythme du montage trop rapide. J’abandonne l’écran. Je regarde les gens assis. Personne ne le regarde non plus. Exemple de l’inutilité.

Je reprends le temps. Un homme lit, il a dépassé le milieu de son ouvrage. Un léger tremblement de main. Maladie? Stress? Il y a une tache vin, peut-être grenat. Entre l'index et le majeur de sa main gauche, un papier blanc s'est glissé, soit une liste des choses à demander au médecin, ma femme m'en fait régulièrement, soit un marque-page improvisé. J'hésite.

La femme sur le siège à côté de lui, ils sont séparés par un sac à main noir et un blouson posé sur le dessus, lit son téléphone portable. Elle a un petit sac à main noir sur les genoux.

22 novembre, journée noire, Hôtel de police de Bordeaux. L’heure de ne compte plus. Le temps n’existe plus.

Je sens dans mes veines le venin de l’assassin, j’ai envie de faire saigner. Le cou de ma fille est maculé par les strangulations de l’agression, dans la boîte de nuit, et en sortant de boîte de nuit, putain de nuit. Putain de nuit. Putain de jour. Merde! Merde! Merde!

Pas de chapitre.

Ce recueil est accessible dans son intégralité et sera mis à jour régulièrement. 

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